Robert Sève

Robert SEVE et Clément-Marie BIAZIN

"Un long combat pour l'émergence et la reconnaissance d'un Art Contemporain Africain"

Robert SÈVE - Clément-Marie BIAZINBIAZIN lui exprime également son manque total de moyens pour pouvoir réaliser son projet.C'est à Bangui fin 1966 que Robert SÈVE rencontre fortuitement le peintre-conteur centrafricain Clément-Marie BIAZIN, qui lui raconte ses 18 années de "Voyages d'Instruction" au cœur de l'Afrique, et son désir de pouvoir peindre et écrire Le Grand Livre de l'Histoire de l'Afrique.

 

Robert SEVE lui donne aussitôt ces moyens : BIAZIN pourra réaliser son Grand Œuvre, et l'amitié et la fraternité entre SEVE et BIAZIN ne cessera qu'à la mort de ce dernier en Janvier 1981.

 

Il enregistre avec BIAZIN les premiers entretiens d'une longue série qui__ de 1967 à fin 1980__ totalisera plusieurs dizaines d'heures.

 

BIAZIN y narre sa vie, explique sa démarche et ses sources, explicite ses tableaux et les coutumes africaines, philosophe et rit souvent.

 

Ces entretiens avec Robert SÈVE seront complétés par ceux réalisés à la Pitié- Salpétrière en 1977 avec le Professeur Jean LAUDE ( Professeur d'Histoire de l'Art contemporain à l'UER d'Art et d'Archéologie, Directeur du "Centre de Recherches Historiques sur les Relations Artistiques entre les Cultures" à l'Université dePARIS1/Panthéon-Sorbonne, auteur de nombreuses monographies sur des peintres, et de surcroît poète ).

 

En Novembre 1967 Robert SÈVE organise au Centre Culturel Français de Bangui lapremière exposition des œuvres de BIAZIN, "premier défricheur des arts modernes africains".

 

Excellent article de Eugène M'BAGA dans TERRE AFRICAINE.

 

De retour en France début 1968, Robert SÈVE tente d'intéresser le Ministère de la Coopération à BIAZIN et à son œuvre. Ce sera sans succès.

 

De 1968 à la fin des années 80, c'est inlassablement que Robert SÈVE sollicitera les institutions culturelles françaises ( Coopération, Affaires Etrangères, Culture, Télévisions, Musées, CNRS, Fondations, Bibliothèque Nationale, UNESCO…) pour un soutien à BIAZIN et à son œuvre, toujours avec autant d'insuccès.

 

Du fait de ce désintérêt général, Robert SÈVE soutiendra seul matériellement son ami BIAZIN jusqu'à sa mort.

 

SEVE __ qui en tant que capteur d'images ne veut aucunement devenir collectionneur__ préservera l'essentiel de son œuvre, en la documentant systématiquement d'entretiens enregistrés et très souvent filmés.

 

1972 : Robert SÈVE réalise le montage de "CLEMENT-MARIE BIAZIN, peintre-conteur africain", film qui obtiendra de nombreux prix.

 

SEVE signe un contrat pour la diffusion de ce film par le Ministère des Affaires Etrangères Français, diffusion autorisée pour les seuls Centres Culturels Français en Afrique, ceci afin que "l'œuvre d'histoire et de transcription de la tradition orale" de son ami BIAZIN puisse être largement vue par les jeunes générations d'africains auxquelles son auteur la destine.

 

Août 1973 : Robert SÈVE se rend à Bangui pour montrer son film à son ami BIAZIN.

 

Il y découvre que BIAZIN est atteint de la lèpre.

 

SÈVE tente d'organiser la vie de BIAZIN afin qu'il puisse être soigné convenablement, et il lui achète en 1974 à proximité de l'hôpital une maisonnette en dur bénéficiant de l'eau courante..

Constatant en 1975 que son ami BIAZIN ne peut pas être soigné convenablement à Bangui, il décide de le faire venir en France coûte que coûte, malgré les nouvelles lois sur l'immigration.

 

Il sollicite Michel LEIRIS ( ethnologue, écrivain, poète, Directeur au MUSEE DE L'HOMME), qu'il rencontre longuement.

 

Celui-ci lui déclare que : "c'est là une véritable œuvre, et que cette œuvre constitue dans le domaine de l'Art Africain la découverte la plus importante pour la seconde moitié du XXième siècle depuis la découverte de l'Art Nègre" (cf entretiens entre Robert SÈVE et Michel LEIRIS enregistrés en 1975).

 

Michel LEIRIS écrira :

"l'auteur a réalisé un beau travail de chroniqueur en réussissant à s'exprimer picturalement sur un mode qui, par le recours à un compartimentage, évoque les vieux CODEX, et s'écarte des "poncifs" tant africains qu'occidentaux.… Les œuvres de Clément-Marie BIAZIN frappent par leur incontestable originalité"

 

Michel LEIRIS assure SÈVE de son soutien pour toutes ses démarches en faveur de BIAZIN et de son œuvre : il ne faillira pas à cet engagement.

 

C'est finalement en 1977, que__ passant outre aux autorisations__ SÈVE fera venir comme simple touriste son ami BIAZIN en France, où le Professeur Marc GENTILLINI le soignera longuement à l'Hôpital de La Pitié-Salpétrière.

 

BIAZIN sera ensuite installé dans une institution médicalisée spécialisée située non loin de PARIS, où il vivra ses dernières années paisiblement, entouré de soins et de la meilleure attention.

 

SEVE pourra ainsi visiter régulièrement BIAZIN et l'emmener découvrir PARIS, ses cathédrales, ses zoos et ses Musées, dont BIAZIN est friand.

 

Ces précisions sont fournies pour mettre fin à la rumeur propagée à tort par des journalistes non informés, rumeur selon laquelle BIAZIN serait mort "dans la misère la plus noire".

 

Tout au long de cette aventure, SÈVE prendra conseil auprès de son ami Lef FORSTER, jeune et brillant avocat pénaliste, par ailleurs grand connaisseur d'art.

1977 : Michel LEIRIS invite Robert SÈVE à présenter l'œuvre de BIAZIN au Séminaire International d'Esthétique Comparée et de Muséographie à la Sorbonne.

De Février 1978 à Avril 1979 le prestigieux STEDELIJK MUSEUM de AMSTERDAMconsacre à BIAZIN une grande exposition qui présente 50 tableaux de la Collection Robert SEVE.

 

Le Musée demande à Robert SÈVE d'écrire le texte de la plaquette de l'exposition, et une version néerlandaise du film de SÈVE sur BIAZIN est projetée en permanence aux visiteurs.

 

Grand succès public et important dossier de presse.

 

Dès 1978 Clément-Marie BIAZIN est ainsi le tout premier artiste moderne africain à recevoir la consécration d'une exposition personnelle de la part d'un grand musée occidental.

 

Il est le premier artiste contemporain noir à être unanimement salué et reconnu, tant par le public que par la critique.

 

E. De WILDE, Conservateur en Chef du STEDELIJK MUSEUM écrit :

"l'œuvre de BIAZIN m'a beaucoup impressionné. C'est un exemple unique du soi-disant art de contes naïfs en images qui__ et c'est cela que je trouve remarquable__ font preuve d'un sentiment extrêmement développé du coloris et de la composition".

 

Le Professeur BURSSENS de l'Université de GAND déclare :

" son œuvre est passionnante non seulement par sa vision spontanée des gens, de la nature, des animaux et des choses, mais se manifeste par une qualité artistique remarquable dépassant largement l'anecdotique : ces peintures sont le meilleur exemple de la transposition d'un sens artistique séculaire et inné, ainsi que du pouvoir créatif du continent noir africain".

 

E.R.WYLE, Program Director du CRAFT AND FOLK ART MUSEUM de LOS ANGELES écrit à SÈVE :

"we were extremely impressed by the paintings, the fact that it is unique and gives such an "inside" picture of the history and culture of contremporary Africa as well".

 

Tous justifient ainsi le titre que BIAZIN s'est lui-même attribué avec certitude en 1967 de "premier défricheur des arts modernes africains".

 

En Janvier et Février 1980, le Musée d'Art Moderne de DUSSELDORF (Städtische Kunsthalle Düsseldorf) réalise une exposition BIAZIN qui présente 76 tableaux de la Collection Robert SEVE.

 

Publication d'un catalogue comportant un texte plus important de Robert SEVE.

 

Robert SÈVE y fait publier en allemand l'article de Eugène M'BAGA dans TERRE AFRICAINE, écrit lors de la 1ère exposition de BIAZIN à BANGUI en 1967.

 

Cette exposition est jumelée avec la grande exposition des œuvres de MAIAKOVSKIorganisée dans les mêmes lieux par ce Musée.

 

Jürgen HARTEN son Directeur tient à jumeler la présentation des œuvres de MAIAKOVSKI (qui pour la première fois sortent d'URSS) et celles de BIAZIN, car déclare-t-il :

"Ces deux œuvres ont ceci en commun qu'il s'agit d'œuvres réalisées par leurs auteurs non pas en direction des Musées, mais à destination de leurs peuples.

 

Elles procèdent esthétiquement d'une démarche similaire, en ceci que les propos et les textes inscrits dans les tableaux y agissent de manière déterminante, à la fois sur le plan narratif, mais aussi et surtout sur le plan de la construction picturale de ces tableaux".

 

Ainsi__dans son autoportrait au globe__ BIAZIN, le vagabond africain aux semelles de vent, rejoint-t-il le poète intellectuel légendaire de la Révolution Russe.

 

Janvier 1981 : décès en France de Clément-Marie BIAZIN.

 

Un mois plus tôt il avait exprimé à SÈVE son souhait de retourner chez lui à Bangui, et il était en possession de son billet de retour.

 

L' INTERNATIONAL HERALD TRIBUNE consacre à BIAZIN le 23 Mai 1981 un article d'une page, intitulé "BIAZIN, Recorder of a Vanishing Africa".

 

ARTNEWS à New-York consacre également en Novembre 1981 une page à BIAZIN dans son 'Vasari Diary" sous le titre "I was destined to be a traveller and a storyteller".

 

Fin 1982 le professeur Jean LAUDE invite Robert SÈVE à faire sa conférence sur "BIAZIN et l'émergence d'un Art Contemporain Africain" dans le cadre du Séminaire Universitaire de GRENOBLE qui traite de l'axe culturel Nord-Sud.

 

En Avril 1983 le SAN FRANCISCO ART INSTITUTE invite SÈVE à donner en anglais sa conférence sur "BIAZIN et l'émergence d'un Art Contemporain Africain" à SAN FRANCISCO.



L'auteur Jean KENNEDY suit avec grande attention la conférence de SÈVE. 
A cette occasion elle a une série de discutions avec SÈVE sur le sujet de l'émergence d'un Art Africain Contemporain.

 

1992 : Jean KENNEDY consacre un chapitre à BIAZIN dans "New Currents, Ancient Rivers / Between the Natural and the Supernatural" qui est édité par leSMITHSONIAN INSTITUTE (voir SITE WEB du SMITHSONIAN).

 

En 1994 le Ministère de la Coopération (grâce à l'enthousiasme de Antoine POUILLIEUTE, chef de cabinet du ministre) donne à Robert SÈVE les moyens de réaliser au MAAO (Musée des Arts d'Afrique et d'Océanie à PARIS) l'exposition BIAZIN dont il rêve depuis 1967, ainsi que les moyens de publier le texte__ érudit et poétique__ deJean LAUDE : "ESQUISSES POUR UNE ENCYCLOPEDIE BIAZINE".

 

Ce livre contient__ outre une lettre préface de Michel LEIRIS__ des entretiens deBIAZIN avec Jean LAUDE et avec Robert SÈVE.

 

A cette occasion SÈVE crée l'association "TIERS MONDE/ARTS MAJEURS" dont il est le Président fondateur.

 

Les tableaux de BIAZIN dans l'exposition sont documentés par de nombreux objets africains, et des conteurs et musiciens se produisent au sein de l'exposition elle-même.

 

C'est là ce que SÈVE souhaitait déjà faire pour l'exposition du STEDELIJK MUSEUM à AMSTERDAM en 1978.

 

Y sont également projetés en continu les films de Robert SÈVE "LE MUSEE BOGANDA", "L'ARC MUSICAL N'GBAKA" et "CLEMENT-MARIE BIAZIN, peintre conteur africain".

 

Cette exposition rencontre un très vif succès et sera prolongée.

 

Elle suscite également un dossier de presse particulièrement important, tant au plan français qu'international (Allemagne, Italie, Japon...).

Clément-Marie BIAZIN a donné naissance à une œuvre unique et exceptionnelle, qui relève à la fois de la peinture et de l'histoire, et qui concerne le cœur du Continent Noir.

 

Historiquement, il aura été le premier artiste noir africain à produire une œuvre d'une telle ampleur.

 

Historiquement, il aura été le premier artiste noir africain à faire l'objet d'un film (par Rbert SÈVE en 1967) et d'une très complète monographie.(par Jean LAUDE)

 

Historiquement, il aura été le premier artiste noir africain à recevoir la consécration de grandes expositions personnelles dans certains des plus prestigieux Musées européens.

 

Dès 1966, Robert SÈVE__ cinéaste et homme de "vision" navant toute autre chose__ aura été le premier à savoir voir et appréhender la qualité exceptionnelle du projet de Clément-Marie BIAZIN.

 

Il aura été le premier à y croire et à mesurer les perspectives nouvelles ouvertes par cette œuvre authentiquement africaine.

 

De 1966 à ce jour, SÈVE se sera battu pour l'existence et l'émergence de cette œuvre sans concessions et de ce fait culturel majeur, qui donne au Continent Noir de nouvelles lettres de noblesse.

 

L'Art Contemporain Africain peut désormais "jouer d'égal à égal" avec l'Art des Occidentaux, qui l'ont si souvent pillé ou récupéré.

 

Textes et toutes Photos et Reproductions : copyright robert SÈVE